Damien Castelain à Alstom, incapable de livrer les rames de métro à Lille : "La patience, c'est fini"
Par Amandine Vachez | Publié le 6 Oct 22 à 18:32
Le président de la MEL se trouve démuni, face à l'incapacité d'Alstom à honorer le contrat pour l'allongement des rames de métro à Lille (Nord). Fin 2022, le dialogue est rompu.
C’est une histoire qui traîne, depuis la signature du contrat il y a 10 ans. Le métro devait être allongé (les rames passant à 52 mètres) – pour 2016, puis les reports se sont multipliés, jusqu’à un décalage en avril, puis en juillet 2023. De négociations en négociations, le président de la Métropole Européenne de Lille (Nord) Damien Castelain a écouté l’entreprise, lui a accordé des délais. « J’ai accepté, ce dernier décalage. Tout a été négocié. » Mais début octobre 2022, alors que cette dernière date n’est plus d’actualité, l’élu tranche : « La patience, c’est fini. »
« Je n’accepterai pas de nouveau délai »
« Il y a eu une grande médiation, en 2019 et 2020 », rappelle le président de la MEL. De longues discussions, des accords passés pour des reports, puis – petit espoir – des essais sur la ligne 1 du métro, à plusieurs reprises le dimanche.
Mais lors de la dernière discussion avec Alstom, l’entreprise a annoncé à l’élu que le dernier délai convenu ne serait pas honoré. « Ils me vendent une innovation. Pas seulement à moi, mais aussi au Grand Paris et à Turin. (…) Puis ils me disent ‘on ne sait pas faire’. Sans autre explication. C’est invraisemblable », tonne le président de la MEL, qui profitera du conseil métropolitain de ce vendredi 7 octobre pour passer un billet d’humeur.
En réponse à notre sollicitation sur le sujet, la direction d’Alstom assure que « les équipes d’Alsom restent entièrement mobilisées auprès de leur client, la Métropole Européenne de Lille ». Elle présente ses excuses auprès de la MEL et des usagers, et se dit « bien conscient[e] de la perturbation générée du fait des retards accumulés sur ce projet ». Une mise en service est projetée pour l’été 2024 (voir encadré en bas d’article).
Que l’entreprise se mouille
Ce chantier, c’est un des points noirs de la mandature de Damien Castelain à la présidence de la MEL. « À chaque fois qu’il y a un besoin, j’autorise les essais. Plusieurs dimanches, j’ai pénalisé les métropolitains pour qu’Alstom puisse faire des tests. Mais j’ai acheté un produit, pas un laboratoire de recherche ! », fustige l’élu.
De son côté, la direction d’Alstom rappelle que « ces activités de mise au point nécessitent d’importantes phases d’essai », qui ne peuvent se tenir que de nuit ou à l’occasion de quelques dimanches, ce qui rallonge la mise au point du système. Une mise au point d’ailleurs retardée par une difficulté de développement du logiciel de pilotage automatique.
Damien Castelain déplore un manque de clarification, de la part de l’entreprise, sur les étapes du projet. « 266 millions d’euros pour une prestation qui n’est pas honorée. Le problème, c’est qu’on ne sait pas pourquoi. Ils ‘ne savent pas faire’, c’est tout ce que j’obtiens, mais je veux des précisions. » Un manque de moyens ? de personnel ? de savoir-faire ? Damien Castelain demande à l’entreprise de s’expliquer : « Il faut qu’ils se mouillent, s’engagent ! C’est à eux de communiquer, sur leur incompétence. »
Une pression à plusieurs niveaux
Pour tenter d’avoir une réponse, le président de la MEL annonce ce jeudi qu’il mettra en œuvre tous les moyens nécessaires, en plus des pénalités de retard, qui semblent ne pas porter leurs fruits. Il va notamment solliciter l’État : un entretien avec le ministre des Transports Clément Beaune est prévu dans les jours à venir.
L’élu souhaite ainsi exercer une pression à plusieurs niveaux pour que l’entreprise mette tous les moyens, humains et financiers, pour respecter le dernier délai fixé d’un commun accord pour ce projet qui n’a que trop traîné.
La société précise que les difficultés principales rencontrées ont été dues au développement du nouveau logiciel de pilotage automatique, Urbalis France. Une « solution très innovante qui embarque la grande partie de l’intelligence du système dans les trains, en les rendant plus autonomes et en améliorant la performance globale du système ». Des difficultés « derrière nous », assure la direction, se basant sur les derniers essais de carrousel à 40 trains réalisés récemment.
Une "étape décisive" franchie cet été
Dans sa réponse à Lille actu, la direction d'Alstom assure qu'une "étape décisive" pour le doublement de la ligne a été franchie cet été, avec les essais dynamiques réalisés sur la ligne 1. "Le logiciel de pilotage automatique pour le métro de Lille gagne donc de plus en plus en maturité". Un élément rendu possible grâce notamment au renfort des équipes mobilisées sur le projet, depuis 2021.
L'entreprise précise que, depuis la reprise de la production en janvier 2021, 12 rames ont été fabriquées sur son site de Valenciennes Petite-Forêt. "9 de ces 12 rames ont été livrées sur le site de 4 Cantons", et la production se poursuit, pour une livraison de 27 rames au total.
Du 23 octobre au 6 novembre prochains aura lieu "la recette du pilotage automatique". Alstom le présentera au maître d'œuvre pour évaluation avant la mise en service commerciale. Sont ensuite ajoutés les temps de corrections éventuelles, nouveaux essais, marche à blanc, pour une mise en service au printemps 2023. Une dernière phase de préparation à la mise en service commerciale du matériel roulant (tributaire du changement des façades de quais) est ensuite comptée. Alstom précise qu'à ce jour, seule la moitié du quai de chaque station est équipée de portes palières. Un marché qui ne dépend pas de l'entreprise. Une fois ceci fait, Alstom annonce projette une mise en service commerciale en juillet 2024.
Source : https://actu.fr/hauts-de-france/lille_5 ... 16880.html